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Travail des enfants : À Gagnoa, le lavage de voitures expose les élèves à des risques pour leur santé et leur avenir scolaire (Enquête)

Dans les rues de Gagnoa, capitale régionale du Gôh, le bruit des pompes à eau et le claquement des chiffons sur les carrosseries masquent une réalité préoccupante : de plus en plus d’élèves se livrent au lavage de voitures et de motos. Ce travail du secteur informel, en plein essor, leur procure un revenu quotidien, mais les expose à des risques multiples : abandon scolaire, maladies chroniques et avenir compromis.

Des élèves en quête d’argent de poche

Samuel Kanon, frêle adolescent de 14 ans, est en classe de cinquième au lycée moderne 1. Depuis le début de l’année 2025, il travaille les week-ends et jours fériés dans un lavage en bordure de voie. « On ne me donne pas d’argent pour aller à l’école », explique-t-il, justifiant sa décision de rejoindre le secteur.

Clément, 17 ans, élève en seconde au lycée moderne 2, confie qu’il exerce cette activité depuis 2022. « Chaque jour, je peux économiser plus de 2 500 FCFA », dit-il. Lors de la rentrée 2024-2025, il avait réussi à constituer une épargne de 113 000 FCFA. Pour lui comme pour beaucoup d’autres, le lavage est devenu une véritable alternative de survie.

Des rémunérations attrayantes

Selon la gérante du lavage auto Babré, Mlle Léonie K., les enfants perçoivent une commission sur chaque service :

  • 150 FCFA pour une moto lavée à 500 FCFA,
  • 300 FCFA pour une berline lavée à 1 000 FCFA (ou 1 500 FCFA avec aspiration),
  • 600 FCFA pour un 4×4.

« Durant les vacances scolaires, je privilégie les élèves », affirme-t-elle, estimant qu’ils doivent apprendre très tôt à se prendre en charge.

L’école, une option de plus en plus fragile

Mais derrière ces revenus, le risque d’abandon scolaire est réel. Sam, élève dans un autre lavage de la ville, admet qu’il songe sérieusement à quitter les bancs. « J’arrive déjà à m’occuper de moi, c’est l’essentiel », soutient-il, rêvant d’ouvrir un jour son propre site de lavage.

Son collègue Moses se montre sceptique : « quelqu’un qui aime tant l’argent, comment peut-il étudier ? »

Le parcours de Mick, 17 ans, illustre ce basculement. D’abord élève régulier, il commence à travailler les week-ends, avant de délaisser complètement l’école, séduit par les gains rapides. « Moi, j’ai quitté l’école parce que je n’avais personne. Toi, tu abandonnes juste pour l’argent. Tu es pathétique », lui reproche Junior, un aîné dans le lavage.

Même ceux qui continuent à fréquenter les classes ressentent l’impact. Salif, élève de quatrième au lycée moderne 2, reconnaît que son activité lui coûte cher en énergie : « Laver les voitures vous épuise le corps les deux premiers jours de la semaine scolaire », confie-t-il, craignant pour ses chances de réussir le BEPC en 2026.

Parents partagés entre tolérance et inquiétude

Certains parents voient dans ce travail un simple coup de main. Mme BL, mère d’un collégien de 16 ans, estime qu’« il n’y a rien de dramatique », rappelant que même des enfants de familles aisées lavent parfois les voitures de leurs parents.

À l’inverse, M. Kouadio, chauffeur de taxi, se dit contraint de laisser son fils de 15 ans travailler, malgré ses résultats scolaires instables. « En faire une activité quotidienne peut nuire gravement à sa santé et à ses études », s’inquiète-t-il.

Des risques sanitaires avérés

Les autorités sanitaires alertent sur les dangers de cette activité. Exposés aux produits chimiques, aux longues stations debout et à l’eau insalubre, les enfants souffrent de lésions cutanées, de douleurs dorsales et de troubles respiratoires.

« Les risques sont réels et durables », prévient le Dr Boukalo Kouassi Célestin, directeur départemental de la Santé. Le jeune Serges, laveur à Garahio, témoigne : « Les plaies, c’est surtout les premiers mois. Après, on s’habitue aux panaris et aux pieds d’athlètes. »

L’eau utilisée aggrave parfois la situation. « Ceux qui travaillent avec l’eau de la SODECI ont moins de problèmes que nous qui utilisons l’eau des bas-fonds », note Justin, un autre élève-laveur. Le Dr Dosso, du dispensaire urbain de Gagnoa, confirme que l’eau polluée peut provoquer des tâches cutanées et que l’inhalation de poussières accentue les crises d’asthme.

Les autorités éducatives tirent la sonnette d’alarme

Pour le directeur régional de l’Éducation nationale, Konan Yobouet, « un élève, sa place, c’est en classe ». Il s’inquiète de voir les enfants habitués trop tôt à gagner de l’argent et promet d’impliquer les services de la Vie scolaire pour analyser le phénomène.

La directrice régionale de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, Mme Kouakou Lydie, rappelle que les enfants de plus de 14 ans peuvent être considérés comme apprentis, à condition que leurs parents soient informés, que la tâche se fasse sous supervision et que la durée n’excède pas cinq heures par jour. « Ce n’est pas vraiment ce qu’on observe dans ces lavages », admet-elle, préoccupée pour leur santé et leur avenir.

Un mauvais signal pour l’avenir

Si le lavage de voitures procure aux enfants un revenu immédiat, il envoie aussi un mauvais signal. Les bénéfices rapides risquent de détourner durablement les élèves de l’école et de compromettre leur avenir. Entre survie économique, santé fragile et espoirs scolaires menacés, ces jeunes de Gagnoa se trouvent à la croisée des chemins.

Source : AIP

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